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L’enfermement des mères et de leurs enfants : comment ça se passe ?
Le journal la Libre Belgique nous proposait il y a deux semaines un article poussant les portes de la prison des Baumettes à Marseille et nous présentait une partie du quotidien de jeunes mamans incarcérées.
« De 9h à 11h, et de 14h à 17h, les mères peuvent promener leurs enfants dans un large couloir, prendre l’air dans la petite cour où trône un toboggan ou se retrouver dans un « salon » meublé de deux canapés et de quelques jeux. Tout est propre et aseptisé dans ce bâtiment inauguré il y a un an. Dans la cuisine commune, Michaela, une Italienne, a calé sur sa hanche sa petite Julia, 6 mois, qui mordille un hochet en plastique. Elle lui prépare une soupe « meilleure que les petits pots industriels »(…) ».
Bousculées entre joie de partager avec son enfant, crainte pour son avenir et culpabilité, les mères incarcérées tentent de jongler. « Il n’y a pas de bonne solution pour les bébés de détenues, mais la plupart du temps maintenir le lien mère-enfant semble le plus important » affirme Florence Duborper, directrice du Relais Enfants-parents, une association qui aide à maintenir le lien entre les détenus et leur famille.
Et en Belgique?
Comment voit-on les choses en Belgique ? Quel est le quotidien des détenues mères et enceintes ? En voici quelques éléments.
Tout commence au moment de l’accouchement. Les situations et les facilités mises en place dépendent d’une prison à l’autre. Si un examen gynécologique n’est pas systématiquement proposé aux détenues enceintes, la Commission de surveillance de Forest veille par exemple à ce qu’elles puissent être examinées. Mais qu’en est-il dans les autres prisons ? Toute femme enceinte d’environ 6 mois est transférée à la prison de Bruges, qui est plus équipée au niveau médical.
De là, elles sont transportées dans un hôpital lors de l’accouchement. Tout(e) détenu(e) effectuant un passage à l’hôpital est d’office menotté(e), les femmes enceintes ne sont donc pas épargnées.
Depuis l’intervention de Claude Lelievre, ancien Délégué Général aux Droits de l’Enfant, les femmes envoyées à l’hôpital ne sont officiellement plus menottées pendant le travail d’accouchement et la naissance. C’était encore le cas en 2005. Cependant, dans les faits, il semblerait que cette pratique soit encore parfois imposée. Il est très difficile de le vérifier.
Certaines détenues rapportent en tout cas que ce fut leur cas. Ce qui est systématique en revanche, c’est le fait que lors de l’accouchement, aucune présence familiale n’est tolérée. Le père est avisé de l’accouchement par téléphone ou par courrier.
Après la naissance, il faut insister pour un suivi post-accouchement, il n’est généralement pas automatique. En cas de problème en urgence (saignement abondant ou autre), la détenue sera normalement envoyée à l’hôpital. Par ailleurs, l’état de grossesse des détenues est rarement pris en considération. Il n’est pas rare de voir une détenue enceinte placée en cellule avec d’autres détenues fumeuses. En ce qui concerne les détenues allaitant, il leur est impossible de comparaître à leur audience au palais de justice car elles sont transférées vers le palais sans leur bébé.
Arrive ensuite la vie en prison. La situation de ces bébés et jeunes enfants en termes de droits sociaux n’est pas claire (prime de naissance, allocations, …) et la présence de nourrissons dans les lieux d’enfermement pose inévitablement question.
D’un côté, elle permet la création ou le maintien du lien d’attachement entre une mère et son enfant, relation indispensable pendant les premiers mois de vie à la construction de l’identité et d’ancrage dans le monde. De l’autre, le confinement, les espaces inadaptés, la carence de stimuli visuels, olfactifs et auditifs peuvent influer sur le développement de l’enfant.
Il a été décidé en Belgique que les enfants peuvent être laissés à la garde de leur mère jusqu’à leur 3 ans. Les associations spécialisées dans les relations entre parents et enfants constatent que de plus en plus de nourrissons sont enfermés avec leur mère. En 1995 déjà, le Délégué Général aux Droits de l’Enfant prônait une meilleure considération pour l’intérêt supérieur de l’enfant dans les décisions judiciaires et administratives. Il a été convenu que les nourrissons intra-muros bénéficient d’un suivi et d’un accompagnement. Il est nécessaire que ces enfants aient accès aux aides médicosociales et que l’ensemble de leurs droits soit respecté.
Pour contrer les potentiels effets néfastes de l’incarcération sur les enfants, il existe, en Allemagne, aux Pays-Bas ou encore en Espagne, des maisons mères-enfants à régime semi-ouvert qui permettent une ouverture sur le monde pour l’enfant (famille, crèche, etc.).
La Belgique a voté une loi pour la création d’une section spécifique, mais en pratique rien n’est encore prévu. En effet, si certaines prisons disposent d’un régime spécifique approprié pour les jeunes mères, ce n’est pas le cas partout. De plus, celui-ci n’est régi par aucune norme légale. Il demeure soumis, au cas par cas, à l’appréciation du Directeur. Il déjà est arrivé qu’une maman soit placée au cachot (notamment à Berkendael), sans son enfant, resté dans la cellule sous la garde d’une autre détenue. Les bébés sont également victimes de la surpopulation.
Théoriquement, deux enfants peuvent être accueillis simultanément à Berkendael et trois à Lantin. En pratique, ce nombre est largement dépassé. Lorsque les cellules adaptées sont occupées, l’enfant et la mère en « surnombre » se retrouvent dans une cellule normale, qui peut être occupée par une autre détenue.
Lorsque la limite d’âge de l’enfant est atteinte (entre 18 mois et 3 ans), il est recueilli chez un membre de la famille de la détenue ou du père, ou se retrouve placé dans une famille d’accueil ou en institution. Il convient par ailleurs de souligner qu’une fois que l’enfant a été retiré à la garde de sa mère, les conditions de visite peuvent être vécues de manière difficile, pénible ou laborieuse de par la rupture du lien affectif créé.
Il existe des visites spécialement organisées, tant à l’égard des pères ou des mères, pour les enfants. Par ailleurs, la visite hors surveillance peut aussi être utilisée pour que la mère et l’enfant se retrouvent dans des circonstances moins rigides que lors de visites usuelles. Certaines associations (par exemple, l’ASBL Relais Parents-Enfants) font preuve de beaucoup d’initiative et de dynamisme, en aménageant des espaces de jeux pour les enfants lors des visites et ce, grâce à des fonds propres.
Pour obtenir de plus amples informations, vous pouvez consulter l’article complet de la Libre et les pages 65 à 69 de la Notice 2016 de l’OIP.