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La pénalisation des squats : vers une extension du filet pénal?
« La loi anti-squat qui raccourcit les délais d’expulsion a été approuvée », pouvait-on lire dans le journal Le Soir le 5 octobre dernier1. Légitime pour certains, cette loi a néanmoins bien plus de conséquences qu’il n’y paraît. Elle étend considérablement le filet pénal en y faisant entrer des personnes qui n’étaient jusqu’alors pas visées par la justice pénale2.
Selon le texte légal, qui semble avoir été adopté spécifiquement à la suite d’un fait divers à Gand lors duquel un propriétaire avait retrouvé chez lui sans qu’il n’y ait consenti une famille d’inconnus, l’occupation d’un immeuble sans l’accord du propriétaire, autrement appelé squat, devient pénalement répréhensible d’une peine allant jusqu’à un mois de prison pour les squatteurs. Pour les personnes qui n’évacueraient pas directement les lieux, la peine est aggravée et peut aller jusqu’à un an de privation de liberté.
Si la loi semble avoir pour ratio legis la nécessité de pouvoir évacuer rapidement et efficacement les squatteurs d’un immeuble3, ses effets risquent d’avoir des conséquences significatives sur l’emprisonnement et la pénalisation vue dans son ensemble. La criminalisation de ce genre de problème a pour conséquence directe d’étendre le filet pénal en incriminant et en contrôlant de manière plus intense des personnes qui, sans cette disposition légale, ne se seraient pas retrouvées dans le système pénal ou carcéral. Autrement dit, ceci risque d’ « accroître la criminalité », non pas parce que la criminalité augmente, mais parce que des nouveaux comportements qui n’étaient jusqu’ici pas considérés comme criminels le deviennent.
En outre et pour les peines inférieures à un an, d’éminents criminologues4 relèvent que la condamnation en soi est déjà un élément de réponse important de la société et que le fait de devoir comparaître en justice combat le sentiment d’impunité. Comparaître devant un tribunal et se voir infliger une peine de prison, même si elle est symbolique, n’a rien de banal.
Ensuite, une action civile permettait aux propriétaires de demander l’expulsion des squatteurs. Le renforcement d’une telle procédure civile par le biais législatif atteindrait donc davantage le but de la loi que la pénalisation du phénomène dénoncé. Plutôt que de concentrer ses efforts sur une incrimination et une répression toujours plus fortes, le législateur devrait dès lors repenser la manière de répondre aux problèmes que notre société pourrait rencontrer, et arrêter de considérer la voie pénale comme le remède adéquat.
L’OIP dénonce fermement cette manière d’agir dont la loi anti-squat est l’exemple de trop. En plus de mettre gravement en danger le droit au logement et la lutte contre la pauvreté, elle stigmatise surtout les plus démunis en les excluant non seulement socialement, mais également judiciairement de la société. Une fois n’est pas coutume, force est de constater que la prison ne touche pas de manière égalitaire toutes les personnes et tous les illégalismes5.
(publié le 24 octobre 2016)