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Notre pays compte aujourd’hui 211 détenus condamnés à perpétuité. La majorité étant derrière les barreaux pour assassinat ou meurtre.​​ Des questions se posent quant à l’opportunité de maintenir ces personnes en détention à vie. En effet, peut-on considérer qu’une personne ayant commis des faits très graves ne soit jamais capable de se​​ repentir ?​​ N’est-il pas du rôle de la peine de prison d’aider ses personnes à se réinsérer dans notre société ? S’il apparaît nécessaire de maintenir ces personnes en détention ne doit-on pas se résigner à accepter l’échec de notre système pénitentiaire ?

Le 19 octobre dernier, l’avocat de Marc Dutroux​​ faisait écho de toutes ces questions​​ et​​ annonçait dans l’émission​​ Soir Première,​​ s’être lancé dans une campagne afin d’obtenir la libération conditionnelle de son client1.​​

Quelle est la procédure d’octroi d’une libération conditionnelle?

Lorsque le condamné à une peine de prison de plus de trois ans se trouve dans les conditions de temps prévues par la loi, le directeur de prison l’informe qu’il peut demander une libération conditionnelle.

En vertu de l’article 25§2 de la loi du 17 mai 2006, un condamné à une réclusion à perpétuité peut se voir octroyé une libération conditionnelle s’il a subi:

  • Quinze ans de cette peine lorsqu’il s’agit d’une première condamnation
  • Dix-neufs ans de cette peine si les faits pour lesquelles il est condamné a perpétuité ont été commis endéans les 10 ans suivant une condamnation à une peine d’au moins trois ans d’emprisonnement pour les faits visés à l’article 25, §2, d).​​
  • Vingt-trois ans s’il a déjà été condamné précédemment à une peine criminelle.

Lorsque le condamné​​ a transmis sa​​ demande écrite, le directeur de prison doit rédiger un avis dans les 4 mois qui suivent cette demande (article 50 de la loi du 17 mai 2006).

Pour rédiger son avis, le directeur de prison analyse la situation personnelle du condamné (il peut notamment se baser sur le rapport du service psychosocial de la prison, le plan de réinsertion du condamné, l’enquête sociale réalisée par la Maison de justice auprès du milieu​​ d’accueil,…).​​

La libération conditionnelle ne peut, par ailleurs, être accordée qu’a condition qu’il n’existe pas de contre-indications dans le chef du condamné.​​

Le directeur de prison vérifiera dès lors, l’existence ou non des​​ contre-indications​​ suivantes​​ :​​

  • l’absence de perspectives de réinsertion sociale du condamné;
  • le risque de perpétration de nouvelles infractions graves;
  • le risque que le condamné importune les victimes
  • l’attitude du condamné à l’égard des victimes des infractions qui ont donné lieu à sa condamnation;
  • les efforts consentis par le condamné pour indemniser la partie civile, compte tenu de la situation patrimoniale du condamné telle qu’elle a évolué par son fait depuis la perpétration des faits pour lesquels il a été condamné.

Dans le mois de la réception de l’avis du directeur, le ministère public rédige un avis motivé sur l’octroi ou le refus de la libération conditionnelle et, le cas échéant, les conditions particulières qu’il estime nécessaire d’imposer au condamné (article 51 de la loi du 17 mai 2006)

Le condamné, son conseil, le directeur et le ministère public sont alors entendu à l’audience fixée devant le tribunal de l’application des peines. La victime peut également être entendue sur les conditions particulières à poser dans son intérêt (article 53 de la loi du 17 mai 2006).

Le tribunal de l’application des peines décidera d’octroyer​​ la libération conditionnelle, lorsqu’il constate que toutes les conditions prévues par la loi sont remplies, et si le condamné marque son accord sur les conditions imposées.

Comment se déroule la libération conditionnelle​​ 2?

Une fois que la personne est libérée, l’assistant de justice la convoque à un premier entretien à la Maison de justice afin d’expliquer le déroulement de la mesure et son cadre d’intervention.

L’assistant de justice s’entretient régulièrement avec la personne à son bureau ou chez elle. Il soutient la personne dans les démarches à entreprendre et vérifie le respect effectif des conditions imposées.

L’assistant de justice fait rapport au tribunal de l’application des peines qui suit le dossier. Le rapport contient des renseignements sur la situation et sur le respect des conditions imposées.

Le tribunal de l’application des peines peut adapter, suspendre ou préciser les conditions.

Si les conditions sont respectées pendant toute la durée du délai d’épreuve, la personne sera libre définitivement. Elle ne devra plus se soumettre au suivi de l’assistant de justice.

Que se passe-t-il si la personne ne respecte pas les conditions ?

Si les conditions ne sont pas respectées, l’assistant de justice convoque la personne à un entretien afin de lui donner la possibilité d’expliquer ce qui s’est mal passé.

L’assistant de justice informe le tribunal de l’application des peines.

Le tribunal de l’application des peines peut décider de suspendre ou révoquer la libération conditionnelle. Dans ce cas, la personne retourne en prison.

Le tribunal de l’application des peines peut également donner une seconde chance, adapter les conditions ou imposer de nouvelles conditions.

Et dans la pratique3

Les praticiens ont vu se​​ généraliser, au sein des tribunaux d’application des peines, une utilisation contestable de la surveillance​​ électronique​​ qui est​​ désormais​​ considérée​​ comme un​​ préalable​​ quasi-automatique à la​​ libération​​ conditionnelle.​​

Cette pratique est regrettable car elle​​ détourne​​ la surveillance​​ électronique​​ de son but initial qui​​ était​​ justement de permettre de​​ libérer​​ des gens qui ne​​ répondaient​​ pas aux​​ critères​​ de la​​ libération​​ conditionnelle.​​

De plus, il est rarissime qu’une surveillance​​ électronique​​ soit​​ accordée​​ sans que le​​ détenu​​ n’ait​​ bénéficié́ au​​ préalable​​ de​​ congés​​ pénitentiaires. Or ceux-ci sont​​ accordés​​ par l’administration, qui accorde rarement ces sorties​​ dès​​ la​​ première​​ demande… Ceci a pour​​ conséquence​​ que toute la​​ procédure​​ d’octroi de​​ libération​​ conditionnelle est de plus en plus longue.​​

L’OIP regrette vivement cette pratique qui a pour effet de contribuer à la surpopulation carcérale et le manque de perspective de réinsertion pour les détenus.​​

 

​​ https://www.rtbf.be/info/societe/detail_bruno-dayez-je-pars-en-campagne-pour-la-liberation-de-marc-dutroux?id=9741307

2 ​​ http://www.maisonsdejustice.be/index.php?id=4634

​​ Notice de l’OIP, 2016, p.29