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Proposition de loi visant à (encore) sanctionner le « revenge porn », l’OIP dénonce un coup d’épée dans l’eau
Alors que la proposition de loi visant à punir plus sévèrement les pratiques de « revenge porn » est en discussion à la Commission de la Justice de la Chambre, où un renvoi en 2ème lecture a été décidé ce 18 février, l’Observatoire International des Prisons alerte sur l’inefficacité d’une telle réforme.
Le « revenge porn », autrement dit « la diffusion non consensuelle d’image à caractère sexuel » est déjà incriminée par la peine prévue pour les auteurs de diffusion d’images impudiques, allant de six mois à cinq ans d’emprisonnement lorsque la victime est majeure. La proposition de loi actuellement examinée à la Chambre vise à renforcer la réponse pénale en ajoutant une circonstance aggravante quand la diffusion d’image s’accompagne d’une « intention méchante » (qui serait plus large que l’intention de vengeance) ou « d’intérêt économique ».
La députée fédérale Vanessa Matz (CDH), auteure de cette proposition, a déclaré vouloir « protéger les victimes et leurs proches » et « mettre le focus sur le phénomène en tant que tel par la circonstance aggravante« . Or, force est de constater que le durcissement pénal n’a jusqu’ici jamais représenté une ressource pour mieux protéger la victime, et encore moins dans le cas du revenge porn. Augmenter l’incarcération d’une personne ayant diffusé de telles images ne viendra en aucun cas panser les maux de la victime puisque de toute évidence le tort aura déjà eu lieu. L’effet dissuasif d’une peine de prison aggravée que certains pourraient espérer, ne peut être soutenu étant donné qu’il n’a jusqu’à présent pas découragé les auteurs alors même que, nous le rappelons, la loi prévoit déjà des sanctions pour cette infraction.
Protéger la victime serait, dans le cas du revenge porn, stopper au plus vite la diffusion de la vidéo, l’aider à comprendre comment et pourquoi l’auteur a commis un tel acte, aider l’auteur à prendre conscience de son acte pour prévenir tout nouveau dommage.
Au sujet du premier point, l’OIP soutient la proposition de faciliter l’exercice d’une « action en référé afin d’obtenir un retrait rapide des contenus ».
Concernant les deux autres points, la proposition de loi ne prévoit rien. Dans la forme actuelle de notre système pénal, ni l’auteur ni la victime ne disposent d’un espace pour comprendre les raisons d’un tel acte. Privilégier la voie civile ou le recours à une médiation auraient pu représenter des solutions concrètes pour aider à comprendre les raisons de cet évènement humiliant et protéger les victimes de ses conséquences, grâce à la mise en place d’un véritable soutien.
Enfin, si la proposition de loi s’obstine à renforcer l’incrimination des auteurs, elle n’envisage rien en terme de prévention ciblée (prévenir la diffusion d’un image ou d’une vidéo lorsqu’un risque est identifié) ou généraliste (prévenir l’augmentation de ces pratiques).
L’OIP regrette qu’une fois de plus les efforts et l’allocation de moyens se concentrent sur plus de répressif, accentuant l’exclusion sociale, la colère et le ressentiment, à défaut de favoriser des solutions préventives et réparatrices.
Si le dépôt de cette proposition de loi est antérieure au fait divers fortement médiatisé en France, il n’en demeure pas moins que cette affaire risque de venir influencer et entacher les débats parlementaires.
L’OIP appelle l’ensemble des partis politiques – qui devront voter le texte proposé en 2ème lecture sous quinzaine à la commission de la Justice de la Chambre – à s’interroger sur le sens d’une sur-incrimination de ce phénomène plutôt que de mettre en place des dispositifs alternatifs moins coûteux à moyen terme et plus efficaces : de la médiation aux procédures civiles, les solutions ne manquent pourtant pas. Encore faut-il avoir le courage de les explorer …
Plus largement, l’OIP regrette que la réaction à tout nouveau fait divers soit toujours plus répressive. Le système pénal montre chaque jour ses limites et ses effets pervers, et pourtant, les réformes restent aimantées par le système pénalo-carcéral.