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« Aux Pays-Bas, les prisons mettent la clé sous la porte » peut-on entendre dans le journal parlé 1.

« La thèse selon laquelle une augmentation de la capacité carcérale augmenterait le nombre de détenus ne tient pas. Le meilleur contre-exemple vient des Pays-Bas, où la capacité carcérale a été considérablement accrue. 20 % des cellules ne sont plus utilisées » 2, rappelait en 2008 la ministre de la Justice lors d’une conférence de presse concernant le Masterplan 2008-2012 pour une infrastructure carcérale plus humaine.

Les Pays-Bas auraient-ils trouvé la recette magique pour réduire la population carcérale ? Si tel est le cas, ne devrions-nous pas prendre exemple sur nos voisins ?

Si de nombreux criminologues s’opposent à l’extension de la capacité carcérale, ce n’est pas la direction qu’ont choisi de prendre les gouvernements successifs depuis 2008, malgré une première augmentation progressive de la capacité pénitentiaire d’environ 50 % depuis les années 90 3. A en suivre leurs explications, le développement de programmes d’envergure d’augmentation du parc pénitentiaire serait justifié par l’augmentation continue de la population pénitentiaire due à une augmentation de la criminalité. Or, non seulement il n’y a pas de corrélation automatique entre la fluctuation de criminalité et la fluctuation de population carcérale4(dans certains pays, la criminalité a ainsi diminué, sans que le taux de détention de la population ne change), mais, en outre, aucune étude sérieuse n’a mis en évidence l’augmentation de la criminalité.

Comme l’a rappelé le Comité des ministres du Conseil de l’Europe, l’extension du parc pénitentiaire ne devrait être qu’une mesure exceptionnelle, car elle n’est pas susceptible d’offrir une solution durable au problème de surpeuplement. L’analyse du cas hollandais révèle que la situation est plus complexe qu’elle n’y parait. Si actuellement 20% des cellules ne sont effectivement plus utilisées, il serait trop rapide de déduire que ce chiffre est la conséquence de l’augmentation de la capacité carcérale. En effet les Pays-Bas ont connu dans les années 2000 un durcissement de leur politique pénale sans précédent. Le taux de détention est ainsi passé de 31 détenus pour 100.000 habitants en 1984 à 113 en 2007 5, obligeant l’Etat à abandonner la règle de l’encellulement individuel qui primait jusque-là 6. En réaménageant les cellules, le pays a, dans un laps de temps extrêmement court, doublé ses capacités carcérales, rendant la comparaison avec d’autres Etats impossible.

Ce n’est donc pas la population carcérale qui a chuté, mais la capacité carcérale, combinée à une politique de recours accru aux peines courtes et aux sanctions financières, qui a augmenté. Le cas hollandais ne peut donc que très difficilement être considéré comme un « modèle » de politique pénitentiaire.

C’est en ce sens que le CPT n’a pas manqué de rappeler à la Belgique que l’augmentation de la capacité carcérale a tendance à augmenter la population carcérale7. Seules des politiques de limitations du nombre de personnes placées en détention et une réforme en profondeur du modèle pénal peuvent avoir pour effet de mettre fin à la surpopulation carcérale et tendre à une incarcération plus respectueuse des droits fondamentaux.

C’est ce que rappelle aujourd’hui l’OIP : « la surpopulation peut être perçue de deux façons. Soit on considère que les détenus sont trop nombreux, soit que le nombre de places est insuffisant. Cette dernière vision conduit à la construction de nouvelles prisons. Or, comme le relève judicieusement Sonja SNACKEN, criminologue belge et experte au Conseil de l’Europe: ‘Si aucune action n’est entreprise dans le même temps sur la politique pénale et les facteurs de hausse de la population carcérale, les nouvelles prisons se trouvent tôt ou tard elles-mêmes en situation de surpopulation’8»9.

 

  1. Voy. le journal de la RTBF du 21 mai 2017, disponible sur https://www.rtbf.be/auvio/detail_des-prisons-neerlandaises-vides?id=2216235
  2. Communiqué de presse de la Ministre de la justice du 18 avril 2008
  3. Ouverture notamment des prisons de Bruges en 1991, d’Andenne en 1997, d’un établissement fermé à Saint-Hubert, à Ittre en 1996 (voy. P. COSYNS, “Hulpverlenen of opsluiten : retorische vraag of prangend alternatief?“, Panopticon, 1992, n°4, p. 319). Voy. les rapports annuels de la Direction Générale des Etablissements Pénitentiaires, disponibles sur https://justice.belgium.be/fr/publications_nojs/r
  4. S. SNACKEN, E. DUMORTIER, Resisting Punitiveness in Europe?, London – New York, Routledge, 2011
  5. En Belgique, le taux s’élevait à 72 détenus pour 100 000 habitants en 1983, et à 95 en 2007, voy. les chiffres annuels sur http://wp.unil.ch/space/space-i/annual-reports/
  6. Response of the Authorities of the Kingdom of the Netherlands to the report of the European Committee for the Prevention of Torture and Inhuman or Degrading Treatment or Punishment (CPT) on its the visits to the Kingdom in Europe, Aruba, and the Netherlands Antilles, Strasbourg, Council of Europe, CPT/Inf (2009) 7, 2009, p. 13; pour une étude approfondie, voy. P. MARY, Enjeux contemporains de la prison, Bruxelles, PUF, 2013
  7. Rapport au Gouvernement de la Belgique relatif à la visite effectuée en Belgique par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du 28 septembre au 7 octobre 2009, p. 35
  8. Propos de S. SNACKEN recueillis par S. COYE, « Lutte contre la surpopulation : s’attaquer aux causes, plutôt qu’aux symptômes », Dedans/Dehors, n°53, p. 25
  9. Notice 2016, p. 34