oip@oipbelgique.be

Le 9 janvier 2019, le tribunal de première instance francophone de Bruxelles a prononcé un jugement condamnant l’Etat belge à mettre fin à la surpopulation carcérale dans les prisons de Saint-Gilles et Forest. L’Etat belge devra dans un délai de six mois, sous peine d’astreinte, ramener la population carcérale réelle des prisons bruxelloises à leur capacité maximale.

Cette décision, qui consacre la responsabilité entière de l’Etat belge dans le problème de la surpopulation carcérale et les violations des droits humains des détenus qui en découlent, doit être saluée.

La procédure, initiée par l’Ordre des barreaux francophones et germanophones (Avocats.be) et un détenu de la prison de Saint-Gilles, avait pour objet de condamner l’Etat belge à enrayer la surpopulation au sein des établissements pénitentiaires bruxellois en le contraignant à adopter les mesures appropriées telles que, notamment, l’établissement d’un plan de politique globale d’approche de la surpopulation carcérale, la diminution du recours à la détention préventive, l’amélioration du système de la surveillance électronique, l’extension des conditions d’octroi de la suspension du prononcé et du sursis, l’adoption de dispositions légales relatives à la non-exécution des courtes peines, l’entrée en vigueur complète des lois sur le statut interne et externe des détenus, l’élargissement des conditions d’octroi de la surveillance électronique etc.

Dans son jugement, le tribunal commence par rappeler les critiques, adressées depuis de nombreuses années par différentes instances nationales et internationales et qui concluent toutes que le problème de la surpopulation carcérale ne s’est pas résorbé avec les années mais s’est, au contraire, maintenu voire amplifié jusqu’en 2018.

La surpopulation carcérale combinée à des conditions d’hygiène et de salubrité déplorables (et largement démontrées) constitue, aux yeux du tribunal, une situation globale de traitements inhumains et dégradants contraire à la Convention européenne des droits de l’homme (en particulier son article 3).

Or, il appartient à l’Etat belge d’organiser le système carcéral de sorte que les conditions de détention ne soient pas inhumaines ou dégradantes, ce qu’il reste en défaut de faire.

L’Etat belge a prétendu avoir tout mis en œuvre pour respecter cet impératif et ce par trois biais : la fusion des prisons bruxelloises, les Masterplans de construction des nouvelles prisons et les lois Pot-pourri II et IV.

Le tribunal a balayé ces mesures d’un revers de la main, considérant que :

  • La fusion des prisons bruxelloises n’a fait que déplacer le problème de surpopulation de la prison de Forest à celle de Saint-Gilles ;
  • Les Masterplans de construction des nouvelles prisons n’ont pas, pour ce qui a déjà été mis en œuvre, permis de résoudre le problème de la surpopulation et les étapes qui doivent encore intervenir (notamment la méga-prison de Haren) ne créent pas de places supplémentaires mais ne font que remplacer les places existantes dans les prisons de Bruxelles (le tribunal constate en outre que l’exécution de cette partie du Masterplan ne sera pas mise en œuvre avant plusieurs années, ce qui ne répond donc pas de manière efficace à une situation aussi urgente que l’est la situation actuelle) ;
  • La loi Pot-pourri a, dès son entrée en vigueur, fait l’objet de vives critiques démontrant qu’elle ne fera que contribuer à l’augmentation de la surpopulation carcérale et la loi Pot-pourri IV n’a, quant à elle, pas modifié fondamentalement la loi de principes. Le tribunal de conclure que l’Etat ne peut en tout état de cause se prévaloir d’aucun impact effectif de ces lois sur le problème de la surpopulation carcérale.

Le tribunal a estimé que « l’Etat belge n’établit pas avoir pris les mesures nécessaires pour pallier une situation intolérable dont il a connaissance depuis trop longtemps. Tant sur le plan législatif – en ce compris dans ses aspects budgétaires – que sur le plan exécutif au sens large, l’Etat belge a, par ses carences, adopté un comportement fautif dont les conséquences dommageables doivent être indemnisées ».

Considérant que la résolution du problème de la surpopulation est de nature à permettre une nette amélioration des conditions de détention, le tribunal a donc condamné l’Etat belge à y remédier, lui laissant le choix de la manière d’agir, en rabaissant le nombre de détenus à la capacité maximale des prisons.

En d’autres termes, l’Etat devra, dans un délai de six mois, faire redescendre le nombre de détenus des prisons bruxelloises à leur capacité normale (à ce jour, la prison de Saint-Gilles compte plus de 800 détenus pour 549 places).

L’O.I.P. salue ce jugement qui rappelle de manière ferme à l’Etat belge sa pleine et entière responsabilité dans l’organisation de la détention.

Il est grand temps que l’Etat belge se penche réellement sur un problème qui a des conséquences concrètes dramatiques pour toutes les personnes détenues. L’Etat ne peut plus se contenter de prendre des mesures-spectacles inefficace et coûteuses et doit, enfin, s’attaquer aux réelles causes de la surpopulation carcérale qu’il connait depuis longtemps.

L’O.I.P. ne peut que regretter qu’il faille une condamnation judiciaire pour rappeler à l’Etat belge ses obligations à l’égard des détenus qui subissent au quotidien le poids de ses carences.

Bruxelles, le 17 janvier 2019

Pour l’Observatoire international des prisons – section belge,

Harold SAX, co-président

Marie BERQUIN, co-présidente