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Nouvelle section de défense sociale à la prison de Haren : l’illusion d’une solution pour les personnes internées dans les prisons
Par une lettre collective du 24 décembre 2024 émanant de son administration pénitentiaire, le ministre de la Justice a annoncé que la prison de Haren comptera désormais, en sus de l’annexe psychiatrique déjà existante, une section de défense sociale comportant 10 places. L’Observatoire international des prisons – section belge – ainsi qu’une dizaine d’associations travaillant dans le secteur des soins et de la prison dénoncent ce nouveau projet qui vise à poursuivre la détention de personnes internées en prison, alors que la Belgique a déjà été condamnée à de multiples reprises par les tribunaux belges et par la Cour européenne des droits de l’Homme pour cette pratique.
Dans notre droit, une personne atteinte d’un trouble mental (c’est à dire d’une maladie mentale et / ou d’un handicap mental) qui commet une infraction peut être internée. Cette mesure vise, en principe, à poursuivre un compromis entre la sécurité de la société et le soin de la personne, en permettant de restreindre la liberté de l’interné, pour autant que cela soit dans le cadre d’un établissement de soins adapté. Malheureusement, la réalité penche dramatiquement vers la logique sécuritaire. La situation des personnes internées dans nos prisons est inacceptable depuis des décennies et vaut à la Belgique d’être régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme qui interdit le placement à long terme de personnes internées dans des infrastructures de type carcéral considérant que ces établissements ne sont pas adaptés aux besoins des personnes souffrants de troubles psychiatriques.
La loi relative à l’internement prévoit quatre types de lieux de placement :
- les établissements de défense sociale ;
- les sections de défense sociale au sein des prisons ;
- les centres de psychiatrie légale ;
- les hôpitaux psychiatriques “classiques”, hors du milieu carcéral, pour autant que ceux-ci aient conclu un accord de coopération avec le SPF Justice pour accueillir des internés placés[1].
La loi belge interdit formellement le placement dans une annexe psychiatrique d’un établissement pénitentiaire. Les annexes des prisons ne sont donc en principe destinées à accueillir que les détenus en détention préventive (avant leur internement) et ceux en attente de leur premier passage devant la chambre de protection sociale, pour une durée la plus courte possible, ainsi que les détenus “ordinaires” qui présentent un besoin spécifique de soins psychiatriques. Malheureusement, à défaut de places dans les quatre types de lieux visés ci-dessus, les détenus internés passent souvent plusieurs années dans les annexes psychiatriques des prisons, ceci en parfaite illégalité.
Une section de défense sociale est censée présenter une meilleure prise en charge des problèmes psychiatriques de ses occupants.
L’ouverture d’une section de défense sociale en sus de l’annexe psychiatrique de la prison de Haren pose un double problème.
D’une part, la section de défense sociale reste placée au cœur d’une infrastructure carcérale. Elle est donc contraire aux décisions de la Cour européenne des droits de l’Homme.
D’autre part, l’ajout d’une section de défense sociale à côté d’une annexe psychiatrique risque de se limiter à un changement d’appellation, et n’a pour but que d’éviter les condamnations judiciaires.
La manœuvre n’est d’ailleurs pas nouvelle. Ainsi, dans un jugement rendu le 12 mars 2023, la chambre de protection sociale de Bruxelles fait le constat, après s’être rendue à la prison de Namur, que la section de défense sociale et l’annexe psychiatrique de cette prison y étaient mélangées, sans aucune distinction. Elle a donc transféré l’interné vers un autre lieu.
Si la section de défense sociale de la prison de Haren n’est pas encore mise en place, il est permis de s’inquiéter dès à présent de la possibilité de réellement créer une section de défense sociale au sein d’un établissement carcéral avec un accompagnement psychiatrique accru et ce d’autant plus que l’actuelle annexe psychiatrique à Haren souffre déjà d’un manque de personnel criant (le personnel est constitué d’un tiers des besoins et recommandations du secteur).
La section belge de l’Observatoire International des Prisons (OIP), Ambulatoire-Forest, APO Asbl, A.P.R.E.S. Asbl, CAAP Culture Asbl, COLLECTIF DÉSISTANCE Asbl, FAMD/SMBG Asbl-Vzw, FIDEX Bru Asbl, I.CARE Asbl, LIGUE DES DROITS HUMAINS Asbl, Plateforme Bruxelloise pour la Santé Mentale, RIZOME bxl Asbl-Vzw, SASB/SAB Asbl-Vzw, SIREAS Asbl
demandent aux autorités belges d’agir urgemment afin de respecter les décisions judiciaires nationales et internationales relatives au traitement des personnes internées et dès lors, notamment :
- De cesser l’incarcération des personnes internées dans des annexes psychiatriques ou des sections de défense sociale créées en prison ou par quelque nouvel autre stratagème imaginé pour éviter que l’Etat ne soit condamné,
- De mettre tout en œuvre pour une prise en charge thérapeutique adaptée des personnes internées et dans des lieux adéquats et respectueux des droits humains.
[1] À ce jour, seuls deux établissements de ce type accueillent des internés.